Moins de 3%. C'est le taux de conversion moyen d'un site e-commerce aujourd'hui. Autrement dit, plus de 97% de vos visiteurs partent sans rien acheter. Dans ce contexte, un design magnifique qui ne génère aucune vente, à quoi bon ?
Soyons honnêtes : un site web n'est pas une galerie d'art, c'est un outil au service d'objectifs concrets (ventes, leads, notoriété…). Et au passage, "beau" ou "moche" reste très subjectif : ce qu'on juge laid peut très bien s'avérer rentable. Il existe d'ailleurs des sites unanimement considérés comme moches qui sont de véritables machines à cash, justement parce qu'ils misent tout sur l'efficacité. En fin de compte, ce que l'on recherche, c'est la performance et la rentabilité.
Une idée reçue en web design serait qu'il faut choisir : soit un site visuellement beau, soit un site performant (orienté conversion). Comme si ajouter de la créativité nuisait forcément aux résultats. C'est faux.
Les sites les plus efficaces allient souvent une apparence soignée et une UX impeccable. Pourquoi ? Parce que les utilisateurs sont d'abord attirés par le visuel… mais ils ne restent que si la navigation et le contenu suivent. En d'autres termes, design is UX, and UX is conversion. (Après tout, Steve Jobs ne disait-il pas : « Le design, ce n'est pas juste l'apparence, c'est aussi comment ça marche. »)
Les géants du secteur comme Apple ou Nike l'ont bien compris : leurs sites sont à la fois esthétiques et simples d'utilisation, ce qui séduit l'œil sans jamais compromettre la facilité de navigation vers l'achat.
Preuve que design léché et efficacité peuvent faire bon ménage : de plus en plus de marques jouent la carte de la simplicité visuelle pour optimiser l'expérience. Le minimalisme est partout, au risque d'une certaine uniformisation qu'on surnomme "blanding" (identités graphiques épurées, logos simplifiés, styles qui se ressemblent tous).
Cette tendance montre qu'on peut avoir une identité visuelle forte tout en restant extrêmement sobre. Par exemple, la marque de cosmétiques Klur propose un site minimaliste très élégant, reprenant l'esthétique épurée de ses emballages : typographie unifiée, mise en page aérée, palette de couleurs limitée. Tout est pensé pour l'équilibre et la clarté. Résultat, chaque interaction avec la marque paraît soignée et cohérente, sans nuire aux conversions.
Le design doit être au service de l'utilisabilité et des objectifs business. Un site peut être très créatif graphiquement, si cela perturbe les habitudes de l'utilisateur ou le détourne du parcours d'achat, ce beau design fera flop en conversions.
Par exemple, vouloir à tout prix réinventer la page produit avec une mise en page hyper originale peut dérouter l'internaute. Nos propres observations confirment qu'une fiche produit trop atypique peut faire chuter le taux de conversion, car l'utilisateur ne s'y retrouve pas.
Les e-commerçants le savent bien : on place généralement le bouton « Ajouter au panier » au même endroit conventionnel (à droite de l'article, bien visible) pour une bonne raison. Si vous le cachez par excès d'originalité, le client risque de ne pas le voir… et de partir frustré. Le beau ne doit donc jamais prendre le pas sur le fonctionnel.
En pratique, cela signifie :
Respecter les conventions UX essentielles : Les internautes ont des points de repère : le logo en haut à gauche qui renvoie à l'accueil, le panier en haut à droite, etc. Un design efficace sait innover tout en respectant ces conventions. Vous pouvez afficher une identité visuelle forte, mais assurez-vous que les éléments clés (navigation, boutons d'action, formulaires) se comportent comme l'utilisateur s'y attend. Évitez l'« UX expérimental » sur les étapes critiques du parcours client.
Hiérarchiser visuellement pour guider l'action : Un bon design oriente le regard là où il faut. Misez sur une hiérarchie visuelle claire : titres et intertitres bien distincts, contraste de couleur sur les éléments cliquables, espaces blancs pour aérer… Ces choix esthétiques ont un impact direct sur le comportement. Mettre en avant un élément avec une couleur vive ou une taille imposante revient à dire « Regarde-moi ! » à l'utilisateur. Utilisez cela à votre avantage pour vos appels à l'action (CTA) principaux. Un bouton bien designé et contrasté attirera plus de clics qu'un lien perdu dans le décor.
Épurer le parcours jusqu'à la conversion : Lorsque vous souhaitez qu'un visiteur réalise une action (inscription, commande…), chaque élément visuel parasite est un obstacle potentiel. Un design efficace sait rester sobre aux moments décisifs. Par exemple, sur une page de checkout (paiement), on évitera les bannières distrayantes, le menu du site ou tout lien externe pouvant faire sortir l'utilisateur de l'entonnoir d'achat. Concentrez le visiteur sur une seule chose à la fois jusqu'à la validation finale.
Le design léché, c'est bien, mais un site visuellement moyen peut tout de même cartonner en business. Le Bon Coin, par exemple, affiche encore l'allure un peu datée de ses débuts : couleurs basiques, mise en page "old school"… et pourtant, ça fonctionne du tonnerre. Le secret ? Une simplicité d'utilisation redoutable. L'interface dépouillée permet à n'importe qui de poster ou chercher une annonce sans prise de tête.
Dans le même registre « moche mais efficace », Cdiscount fait figure d'étude de cas. Ouvrez sa page d'accueil et vous voilà assailli de bannières flashy, de promos clignotantes, de pop-ups dans tous les sens… On est à mille lieues des canons épurés du design contemporain. Mais devinez quoi : ce chaos visuel convertit. Cdiscount reste l'un des leaders de l'e-commerce français et affiche parmi les meilleurs taux de conversion du secteur. Autrement dit, son esthétique discutable ne l'empêche pas de vendre par palettes - peut-être même l'inverse, car tout y est pensé pour pousser à l'achat à coups de promotions voyantes.
À l'opposé de ces « laideurs efficaces », il y a des marques qui font le choix de l'épuré extrême, dans une logique presque élitiste. Pensez à Supreme : son site est d'une simplicité déroutante, avec une navigation basique et des fiches produits ultra dépouillées. On pourrait presque parler de « non-UX ». Une analyse a même qualifié l'expérience du site Supreme d'« absurde » du point de vue utilisateur.
Et pourtant, ça marche. Pourquoi un tel paradoxe ? Parce que Supreme s'appuie sur une notoriété hors norme et sur une stratégie de rareté savamment orchestrée. Chaque jeudi, un nouveau drop (arrivage limité) est mis en ligne, et les produits disparaissent en quelques secondes. Cette frustration fait partie de l'expérience : pour les fans, c'est un rituel hebdomadaire. L'UX n'a pas besoin d'être sophistiquée pour être efficace tant qu'elle sert le positionnement de la marque.
Supreme prouve qu'un site ultra-basique peut suffire dès lors que la désirabilité est énorme. Pas besoin d'un parcours utilisateur aux petits oignons : la rareté et la hype font tout le travail à sa place.
En conclusion, un beau site qui ne vend pas, c'est du gâchis… mais un site moche qui ne vend pas mieux, ce n'est guère plus enviable ! La vraie réussite est de concilier l'esthétique et l'efficacité.
Loin d'être incompatibles, ces deux dimensions se renforcent mutuellement : un design attrayant attire le visiteur, une expérience soignée le convertit en client. Que vous soyez une start-up D2C ou un géant comme L'Oréal, la règle d'or du digital est la même : il faut être beau et utile.
Alors, la prochaine étape consiste à examiner votre propre site sans complaisance. Est-il aussi efficace qu'il est joli ? Si le doute subsiste, il n'est jamais trop tard pour ajuster le tir.